Histoire SNV #4 : Système de management en vue !

Trop de flux, trop de règles, pas assez d’international
Sur l’océan, un capitaine est confronté à un défi de taille : la mer elle-même. Sur un fleuve, les éléments sont plus variés : trafic, ponts, niveau d’eau bas, hauts-fonds, voies de circulation étroites, etc. Tout navire naviguant en mer est soumis à la norme internationale SOLAS (Safety of Life at Sea) de l’Organisation maritime internationale (OMI). Mais le capitaine d’un bateau fluvial, quelle norme suit-il ? «A ce jour, malheureusement, aucune qui soit applicable à un niveau international. Selon le fleuve, c’est une loi nationale, un règlement régional ou les directives d’une commission fluviale qui s’appliquent. La CCNR (Commission centrale pour la navigation du Rhin), par exemple, a des règles très claires. Mais comme son nom l’indique, elles ne sont valables que pour le Rhin. Ceci complique notamment la situation pour les entreprises qui opèrent à l’échelle internationale et emploient des collaborateurs de différents pays. Des systèmes de management généraux comme ISO 9001 pour la qualité ou ISO 45001 pour la santé et la sécurité au travail ne sont pas assez spécifiques à la navigation intérieure et sont donc rarement certifiés sur le fleuve », explique Sascha Gill. On imagine sans trop de mal les conséquences : les collaborateurs qui naviguent sur des cours d’eau différents doivent s’adapter en permanence dans leur travail quotidien. Les entreprises disposant d’une flotte mondiale doivent adapter leurs navires, leur équipage ainsi que leurs processus aux règles les plus diverses. Cette situation va encore s’aggraver avec l’augmentation attendue du trafic en Europe, car le « Paquet énergie-climat de l’UE : ajustement à l’objectif 55 » désigne clairement les voies navigables comme réseau de transport de marchandises.

Trafic sur les voies navigables de l’UE
2023 : 16 000 navires
2050 : 25 000 navires

Changement de cap : sécurité et durabilité certifiées au niveau international
Sur un navire, la personne qui assume la responsabilité globale est le ou la capitaine. Chacun ou chacune a sa propre expérience et en déduit les règles de fonctionnement de la sécurité. La navigation fluviale commerciale comprend en outre de nombreuses petites entreprises individuelles qui ne naviguent parfois qu’avec un seul bateau. « Prenons l’exemple de l’évacuation. Selon le capitaine, selon les règles de l’entreprise, selon la région ou selon l’expérience de l’équipage, les évacuations se font différemment. Si un membre d’équipage ou un capitaine change de navire, d’entreprise ou de lieu de travail, tout peut soudainement être différent. La plupart du temps, cela n’a pas d’impact immédiat sur la sécurité. Néanmoins, cela crée de la confusion et implique un effort important pour les collaborateurs, mais aussi pour le personnel de sécurité qui opère depuis la terre », précise Sascha Gill. « Dans le domaine de la navigation maritime, on optimise le cadre réglementaire après chaque accident afin de mieux protéger les personnes et l’environnement. Cela s’explique certainement par la forte médiatisation dont jouissent ces événements et par l’implication de l’OMI, une organisation qui s’occupe de ces choses à l’échelle mondiale. Dans la navigation fluviale, les dirigeants procèdent aussi à une optimisation après les fautes, mais généralement à une échelle locale et sans impact global. La motivation des initiateurs du nouveau système de management était de combler cette énorme lacune le plus rapidement possible et de développer un système certifiable. » Outre les aspects de durabilité et de sécurité, les exigences de plus en plus strictes en matière de comptabilité jouent également un rôle prépondérant. A l’avenir, chaque entreprise devra rendre compte de manière transparente de son comportement économique, écologique et social, en plus des chiffres clés financiers. Dans la plupart des cas, les équipes dirigeantes du secteur ne disposent pas des connaissances, des directives claires et des recommandations nécessaires. Une norme spécifique au secteur vient également combler cette lacune en fournissant aux utilisateurs des solutions pratiques sur la manière de collecter les informations pertinentes et de les traiter conformément aux règles locales.

Les problèmes linguistiques entraînent des malentendus
Il n’y a pas de langue commune sur les fleuves européens, ce qui constitue un défi de taille pour les collaborateurs internationaux. Une norme internationale permet de clarifier les choses au quotidien : un équipage qui passe d’un bateau à l’autre ou d’un cours d’eau à l’autre doit pouvoir trouver et comprendre sans difficulté les principales règles et savoir comment les appliquer.

L’ISO donne libre cours à un MSS
Les initiateurs ont déposé une demande auprès du comité technique en charge (ISO/TC 8/SC 7) pour le développement d’une nouvelle norme de système de management (MSS). « Compte tenu de la nécessité d’agir qui a été présentée, il n’a pas été difficile d’obtenir l’approbation pour un nouveau MSS. L’urgence, le projet déjà soigneusement élaboré et le fait que le nouveau MSS ne soit pas un produit concurrent des solutions existantes, telles que les MSS pour la qualité (ISO 9001), la santé et la sécurité au travail (ISO 45001), l’environnement (ISO 14001), l’énergie (ISO 50001) ou la gestion du risque (ISO 31000), ont été des facteurs décisifs. » Il était également important de délimiter clairement le MSS dans son utilisation. Le champ d’application de la norme à élaborer « ISO/CD 28701 Sécurité et durabilité dans la navigation intérieure » s’applique :

• à la navigation commerciale
• sur les voies navigables intérieures (fleuves, lacs, etc.),
• des bateaux de fret, de croisière, des ferries et des bateaux transportant des passagers,
• d’une longueur supérieure à 24 mètres,
• ainsi qu’aux opérations à terre qui soutiennent le navire.

La nouvelle norme de système de management sera conçue de manière à pouvoir être introduite et mise en œuvre de façon pragmatique par les petites et les grandes entreprises. Le principal instrument pour cela sera l’évaluation des risques : des critères clairement décrits constitueront le point de départ des mesures à prendre. Le système intègre également la jurisprudence locale, ce qui est particulièrement important en Europe, où la législation est très précise et étendue sur le Rhin. Le projet de norme ISO/CD 28701 n’entre pas en concurrence avec les règles locales, mais garantit que toutes les règles sont largement prises en compte. Le nouveau MSS devient ainsi un outil de gestion clair.

Le premier projet fixe clairement le cap
Grâce à une première ébauche mûrement réfléchie d’une trentaine de pages, l’ensemble du processus d’élaboration a été étonnamment rapide. « Lors de l’élaboration, nous avons suivi les dix blocs thématiques logiques, c’est-à-dire les clauses ISO d’un MSS. Tout a été créé à partir de zéro, rien n’a été recopié à partir de MSS existants. J’ai été très impressionné par la rapidité avec laquelle la SNV Association suisse de normalisation a apporté son aide et fait avancer les décisions. Venant d’Autriche, je m’attendais à un rythme plus lent pour le travail de normalisation. Grâce à la cohérence de la démarche, nous pourrons ainsi apporter plus rapidement notre contribution à la sécurité et à la décarbonation. » Depuis le démarrage en juin 2022, le groupe de travail a élaboré le système de management complet en quelques réunions. Il devrait entrer en vigueur en 2024 et les personnes intéressées pourront se faire certifier à partir de cette date. Comme elle augmente également l’attractivité d’un prestataire, l’intérêt de la certification est grand, de même que le groupe qu’elle vise : il s’étend des compagnies maritimes aux armateurs, en passant par les entreprises de sécurité à terre et les propriétaires d’un seul moyen de transport.

Points forts de la norme ISO/CD 28701
Certifiable, applicable au niveau international, améliore la sécurité à bord, contribue à la décarbonation, repose sur des principes ESG, soutient le reporting non financier.

Quelle a été votre plus grande surprise lors du travail de normalisation ?
« Que l’image des normes dans l’esprit du public n’est plus d’actualité. Les normes aident, elles apportent des structures et un résultat clair. Jusqu’à présent, je ne connaissais les normes qu’en tant qu’utilisateur. Maintenant que j’ai participé à leur élaboration, je constate que le monde des normes s’est fortement modernisé et qu’il aborde également des thèmes sociaux et environnementaux plus vastes. Malheureusement, le public ne l’a pas encore compris. Mon message à tous est de s’engager sans jugement dans l’ISO et ses réglementations. Si on les utilise et les comprend correctement, elles apportent une valeur ajoutée évidente à tous. »

Lancement : 2020
Publication : prévue en 2024
Nombre de pages : ébauche actuelle de 30 pages
Initiateur : IG River Cruise
Coordonnateur : Sascha Gill
Champ d’action : international
Statut : 30.6 en cours de développement
En savoir plus sur ISO/CD 28701

Les 10 clauses d’un MSS selon ISO
Domaine d’application
Références normatives
Termes et définitions
Contexte de l’organisation
Direction
Planification
Soutien
Exploitation
Evaluation de la performance
Amélioration

Sascha Gill

Il est chargé de l’environnement et du développement durable à la CLIA (Cruise Lines International Association) Europe. Dans son poste précédent chez Viking Cruises et en tant que représentant de l’IG River Cruise, il a fait partie des initiateurs du nouveau projet de système de management ISO/CD 28701 et est le coordonnateur du groupe de travail ISO compétent. Sascha Gill est titulaire d’un doctorat en économie de l’université de Nottingham Trent et d’un MBA de l’université d’Oxford Brooks.